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Les ouvrages en maçonnerie et le réchauffement climatique

Pour finir notre focus sur le laboratoire GERS-RRO (Risques Rocheux et Ouvrages géotechniques), nous donnons la parole à Hicham Cherifi, doctorant au sein du laboratoire qui travaille sur la vulnérabilité des structures en maçonnerie pour nous présenter sa recherche.

Bonjour Hicham Cherifi, vous êtes doctorant au laboratoire RRO, est-ce que vous pouvez d’abord vous présenter, vous et votre parcours ?

Je m’appelle Hicham Cherifi, je suis ingénieur en génie civil et je fais actuellement une thèse à l’Université Gustave Eiffel dans le laboratoire RRO à Bron. J’ai fait mes études au Maroc, à l’EHTP (École Hassania des Travaux Publics) de Casablanca. J’ai ensuite travaillé pendant cinq ans en tant qu’ingénieur d’études en géotechnique, c’est-à-dire la science qui va étudier la physico-mécanique des sols et des roches et j’ai pu bénéficier d’un double diplôme en génie civil l’ENTPE (École Nationale des Travaux Publics de l’État) et l’École Centrale de Lyon. J’ai décidé de faire une thèse pour approfondir mes connaissances sur le sujet et développer mon expertise théorique, sous la direction d’Anne-Sophie Colas (GERS-RRO), Benjamin Terrade (MAST-EMCGU) et Denis Garnier (laboratoire Navier, ENPC).

Pouvez-vous nous expliquer votre thèse, sur quoi porte-t-elle et quels en sont les enjeux ?

Ma thèse porte sur la vulnérabilité des structures en maçonnerie face au réchauffement climatique. Je travaille sur des ouvrages spécifiques, les murs de soutènement, qu’on trouve la plupart du temps sur les routes, mais aussi dans les bâtiments, sur les berges des fleuves, etc. Ce sont des ouvrages assez peu étudiés par rapport à d’autres matériaux, tel que le béton plus plébiscité par l’industrie pour des questions de coût. La maçonnerie est assez différente parce que c’est un matériau très durable, mais aussi très ancien avec des savoirs faire spécifiques et une composition variable, qui connait un regain d’intérêt récemment. Ma thèse s’inscrit là-dedans, je cherche à répondre à des questions spécifiques aux comportements de ces murs face au réchauffement climatique, avec trois risques principaux. D’abord hydraulique, avec l’augmentation des pluies diluviennes, si on prend l’exemple des pluies de Valence en Espagne récemment, les murs de maçonnerie ont subi des dégâts importants. Ensuite le risque sismique, c’est-à-dire comment ces ouvrages vont se comporter face à des sollicitations dynamiques spécifiques, sur ce point il y encore trop peu de recherche qui a eu lieu. Le dernier risque c’est la chute de bloc, étant donné que beaucoup des murs de soutènement se trouvent en zone montagneuse. Je travaille dans le cadre du projet national DOLMEN qui s’intéresse notamment à la stabilité de ces ouvrages. Ce projet m’a permis de développer mes expériences sur la question hydraulique. Dans ma recherche, je combine un volet expérimental et numérique, avec une approche par modèle réduit et une modélisation numérique. L’idée est de produire des modèles fidèles et de tester les effets des différents risques pour mieux les comprendre et les renforcer.

Quand on pense à la maçonnerie, d’autres structures nous viennent en tête, particulièrement les monuments historiques, églises, châteaux, etc., est-ce que ce sont des structures qui vous intéressent dans vos travaux ?

Il y a effectivement une grande diversité dans les ouvrages de maçonnerie. La maçonnerie c’est un matériau compliqué, en tout cas ce n’est pas un matériau continu, ce qui implique des difficultés pour la modélisation. On ne le retrouve pas seulement sur les murs de soutènement mais aussi dans tous types d’infrastructures et de monuments (ponts, églises, etc.) qui peuvent être très anciens. Il y a actuellement une grande demande sur le sujet, autour de la reconstruction de Notre-Dame par exemple, pour à la fois restaurer les différentes structures mais aussi pour s’assurer de leur solidité et de leur préservation à l’avenir, notamment face au réchauffement climatique. Sur ce sujet, je vais faire un séjour de deux mois à Rome dans un laboratoire spécialisé dans la modélisation des monuments historiques. 

Vous avez réalisé une maquette que nous avons sous les yeux lors d’une fête de la science, pouvez-vous nous en parler et nous parler de l’intérêt de ce genre d’exercice ?  


C’est une maquette que j’avais présentée sur l’effet des pluies sur les murs de soutènement dans le cadre de la fête de la science en 2024 à des enfants. Je pense que ce genre d’événement est très important parce que c’est important que les citoyens se saisissent de ces questions pour développer leur connaissance et pour pousser à l’action les politiques sur ce genre de choses. C’est aussi l’occasion de faire naître des vocations, un des enfants présents était passionné par le sujet et m’a demandé comment devenir ingénieur en génie civil. Pour moi, c’est un exercice qui me permet de vulgariser mon travail, et par là même être confronté à des questions que je n’ai pas forcément l’habitude d’avoir et de remettre en question des certitudes. 


Au quotidien, comment s’organise votre travail de recherche ?


Mon quotidien c’est principalement la recherche au sein du laboratoire, où je travaille surtout sur la modélisation des structures et des effets des différents risques dont on a parlé sur elles. Mais la recherche ce n’est pas seulement ça, c’est aussi les échanges avec les autres chercheurs de l’université et à l’extérieur, avec tous nos partenaires et à l’international notamment dans le cadre de colloques. Ces échanges permettent d’enrichir mon travail, en élargissant mes perspectives. Je fais aussi de l’enseignement à l’ENTPE, auprès de futurs ingénieurs. Je pense que c’est une activité importante pour la recherche parce que ça permet non seulement de former mais aussi de se confronter également à leur curiosité et à leurs connaissances.


Vous êtes actuellement en 2e année de thèse, est-ce que vous avez déjà prévu la suite que vous souhaitez donner à votre travail ? 


Après ma thèse, je pense travailler dans l’expertise en génie civil, en m’appuyant sur les connaissances, la réflexivité et la légitimité que me permettent d’avoir la thèse pour cela. C’est une manière de mobiliser la recherche pour faire avancer concrètement les infrastructures de sorte à ce qu’elles soient plus résistantes et plus sûrs face aux défis futurs. 
 

Publier le 2 décembre 2025