Focus sur le Laboratoire Mécanismes d'Accidents

Interview de Frédérique Hernandez, directrice du laboratoire LMA.
1- Présentez-vous en quelques mots.
“Architecte et urbaniste de formation, je suis directrice de recherche au laboratoire Mécanismes d’Accidents depuis 2019. Mes travaux de recherche portent principalement sur l’organisation des mobilités appréhendée et projetée par les agglomérations urbaines et sur l’action publique visant la transformation des espaces aménagés. Avec Thierry Serre (Directeur adjoint), j’assure la direction du laboratoire depuis 2022. Le LMA se situe au sein du Campus Méditerranée de l’Université Gustave Eiffel, à Salon-de-Provence.”
2- Pouvez-vous nous parler des recherches menées au sein du Laboratoire Mécanismes d'Accidents ?
“Le LMA est un laboratoire pluridisciplinaire qui associe des chercheurs en sciences humaines et sociales (psychologie, sociologie, urbanisme-aménagement, économie) et en sciences pour l’ingénieur (mécanique). Les réflexions scientifiques structurantes du laboratoire portent sur l’analyse clinique des mécanismes d’accidents, les risques et dysfonctionnements du système de circulation, et sur l’action publique en matière de sécurité routière (formations, actions de préventions). Ces dernières années les enjeux de sécurité relatifs aux nouvelles mobilités (véhicules autonomes, électromobilité, émergence des engins de déplacements personnels motorisés -EDPM-, développement du vélo et du vélo-cargo en villes…) ont fait l’objet de nombreux projets de recherche construits selon différentes focales. Certains projets ont porté sur les conditions d’accueil des espaces urbains à l’égard des modes individuels légers, d’autres sur les capacités dynamiques de ces engins, qui sont particulières et peuvent surprendre leurs usagers et ceux avec lesquels ils interagissent (piétons, automobilistes…), d’autres encore ont permis d’analyser les représentations différenciées des groupes d’usagers, leurs propensions au risque, et leurs comportements de conduites.”
3- Qu'est-ce qui a amené à la création de ce laboratoire, il y a 40 ans ?
"Un laboratoire de l’Université Gustave Eiffel dans une ville moyenne d’environ 45 000 habitants est souvent surprenant pour nos interlocuteurs., il faut avoir à l’esprit que le laboratoire Mécanismes d’accidents est le fruit d’une double histoire.
- Celle des premiers services d’intervention d’urgence aux accidentés de la route, dont l’un des maillons a été apporté par un professeur de médecine exerçant à l’Hôpital de Salon-de-Provence, qui a mis en place en 1957 les premières structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR). L’enjeu était alors de prendre en charge les blessées dans les meilleurs délais et sur les lieux de l’accident. Cette nouvelle approche de la prise en charge des blessés en « bord de route », s’est accompagnée d’études cliniques des accidents menées sur site par des chercheurs, afin d’améliorer les connaissances sur les circonstances et les facteurs des accidents.
- Celle de la structuration d’une recherche publique en sécurité routière, avec pour jalons, la création de l’ONSER (Organisme National de Sécurité Routière) en 1961, puis celle de l’INRETS (Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité) en 1985. Ainsi avant d’être administrativement créé avec la fondation de l’INRETS, le laboratoire était une antenne qui alimentait en données d’accidents les chercheurs de l’ONSER. Dès 1985, l’activité du laboratoire a consisté à consolider les outils théoriques et méthodologiques (modèle séquentiel d’analyse en phase de l’accident, reconstitution cinématique…) nécessaires aux études détaillées d’accidents. Ces travaux ont mis en évidence que comprendre le déroulement des accidents permettait d’entrevoir des pistes fécondes en matière de prévention dans le champ de la sécurité primaire (éviter la survenue des accidents)."
4- Comment ces enjeux s'inscrivent-ils dans les thématiques portées par l'Université Gustave Eiffel ?
“Si le LMA contribue essentiellement aux thématiques relatives aux mobilités et à leur sécurité, les défis contemporains en termes de villes et territoires résilients et sûrs amène le laboratoire à élargir son approche des risques et de leur gestion, et ce notamment au travers de projets scientifiques qui sont de plus en plus co-construits avec les acteurs socio-économiques et les collectivités locales et territoriales. C’est par exemple le cas du projet RESILIENCE qui traite des enjeux de « ville durable, santé, bien-être » dans le cadre du programme PEPR VDBI (Ville durable bâtiment innovant), de l’ANR URFé (Aménagement de l’espace urbain et mobilité à faible impact environnemental) ou du Living Lab MOUVEDIS (présenté plus amplement ci-après). Ces projets s’inscrivent également dans la thématique de la « ville en transition ».”
5- Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet de Living Lab MOUVEDIS inauguré le 27 juin ? (avec la contribution de Carole Rodon)
"Le Living Lab MOUVEDIS représente une continuation novatrice de notre approche de recherche au Laboratoire Mécanismes d'Accidents. Ce dispositif de recherche participative se positionne comme un tiers-lieu ouvert et collaboratif, associant les acteurs locaux élus et représentants des collectivités, des entreprises, des citoyens et de la recherche sur les enjeux des mobilités actuelles et futures en lien avec la sécurité routière (modèle de la quadruple hélice). L’orientation principale est d’accompagner les trajectoires de transitions territoriales sur l’enjeu des mobilités en articulant recherche-action pour des solutions innovantes à impact social.
Concrètement, nous explorons les inégalités d'exposition au risque, la vulnérabilité des usagers et les pratiques de déplacement à travers notamment des cartographies collaboratives, des enquêtes de terrain et des expérimentations co-construites. Cette démarche prolonge naturellement notre expertise historique sur l'analyse des accidents, tout en l'enrichissant d'une dimension participative et préventive.
MOUVEDIS illustre parfaitement l'engagement de l'Université Gustave Eiffel dans les mobilités soutenables et les transitions environnementales, sociales et numériques. Ce 27 juin a été marqué par la signature de la convention partenariale avec la ville de Salon-de-Provence sur ce dispositif de science participative dans le cadre du programme CITYFAB (CITYFAB SA, ExcellencES ANR-21-EXES-0007)."
Pour aller plus loin