Aller au contenu principal

Caroline Trotot nous parle du plan pour l’égalité 2024-2026

Interview de Caroline Trotot, professeure en Langue et Littérature de la Renaissance, 
directrice adjointe de l’équipe LISAA et vice-présidente égalité de l’Université Gustave Eiffel

1. Bilan du précédent plan pour l’égalité 2021-2023

Quel bilan pourriez-vous faire du précédent plan pour l’égalité à l’Université Gustave Eiffel ? Quels ont été les principaux résultats observés ?

« Le bilan du plan d’égalité précédent a permis de mieux comprendre les inégalités existantes au sein de l’établissement, notamment les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Il a également mis en lumière l’ampleur des violences sexistes et sexuelles, ainsi que d’autres discriminations.
Un rapport social unique (RSU) a permis de mieux connaître la situation des femmes et des hommes en emploi à l’université. La diffusion des données genrées et du langage égalitaire a également été améliorée auprès du personnel UGE et des étudiant·es. 
Parmi les résultats notables, en interne une culture de l’égalité se diffuse grâce au réseau de plus de 80 sentinelles égalité et en externe, les efforts de l’Université Gustave Eiffel dans la lutte contre les discriminations sont reconnus, en particulier grâce à l’ONDES (L'Observatoire National des Discriminations et de l'Égalité dans le Supérieur) et à l’action de la mission égalité au sein du réseau national des chargés de mission égalité de l’enseignement supérieur (CPED°). »

Quelles ont été les actions ou initiatives particulièrement réussies dans ce plan ?

« L’amélioration du dispositif de signalement, validée par les conseils, a été un point fort, confirmée par l’augmentation constante du nombre de signalements. Pour faire connaître le dispositif et diminuer les violences qui sont le plus puissant frein à l’égalité, on a opéré un développement général de la formation et de la sensibilisation sur les violences sexuelles et sexistes, ainsi que sur les discriminations. Le réseau des sentinelles de l’établissement se distingue avec 80 personnes formées. La sensibilisation des étudiant·es, notamment lors des Réunions de Pré-Rentrée est également un progrès remarquable. L’embauche de trois membres du personnel dédiés à la mission égalité et à ONDES, ainsi que la désignation d’une vice-présidence dédiée à ces questions ont permis ces réalisations. 
Enfin,d’autres mesures ont été mises en place comme l’installation de distributeurs de protections périodiques dans tous les bâtiments du campus. »

2. Le nouveau plan pour l’égalité 2024-2026

L’Université Gustave Eiffel a lancé un nouveau plan pour l’égalité 2024-2026, pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes et les priorités principales ?

« Ce nouveau plan inclut l’ensemble de la communauté universitaire, étendant ses actions au-delà du personnel pour inclure les étudiant·es, la recherche et l’administration. Il s’inscrit dans la continuité des actions menées dans le précédent plan, tout en mettant l’accent sur la correction des inégalités de rémunération entre femmes et hommes. 
Ce plan vise également à progresser dans la lutte contre toutes les formes de discrimination (genre, orientation sexuelle, religion, etc.). 
Une attention particulière est portée à la réduction des violences et au changement des comportements car nous recevons de très nombreux signalements (près de 90 en 2023). De plus, l’ONDES joue un rôle central, il permet de structurer ces actions et aide à déterminer les priorités de ce nouveau plan 2024-2026. »

En quoi ce nouveau plan diffère-t-il de l’ancien ? Quels sont les objectifs clés ?

« Il ne s’agit pas de se distinguer du plan précédent car c’est un travail de longue haleine dans un contexte de progression du sexisme et de la violence discriminatoire et l’essentiel tient à la constance des efforts, mais ce nouveau plan prévoie des actions correctives nouvelles pour réduire les inégalités salariales, soutenues par une enveloppe budgétaire dédiée. Il propose des actions soutenant des personnes touchées par des situations particulières qui sont souvent des femmes ou ont des effets spécifiques sur elles, comme les congés liés à des situations personnelles difficiles (endométriose, violences conjugales, accompagnement des enfants en situation de handicap, divorce). 
Le plan maintient l’objectif de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, tout en élargissant son champ d’action aux autres formes de violence, telles que le racisme et les LGBTphobies. »

3. Les enjeux pour l’Université Gustave Eiffel

Quels sont, selon vous, les enjeux clés en matière d’égalité pour l’Université Gustave Eiffel, à la fois sur le plan académique et social ?

« L’Université Gustave Eiffel entend être une actrice majeure de la ville durable et des transitionsor il ne peut y avoir de ville durable sans égalité entre les hommes et les femmes, comme l’indiquent les objectifs du développement durable de l’ONU. La diffusion d’une culture de l’égalité est essentielle pour réduire les violences et le sexisme, qui représentent les premiers obstacles à la mixité des formations, des métiers et à l’égalité dans les carrières. Le féminicide de notre collègue Cécile Poisson nous a cruellement rappelé l’existence d’un continuum des violences sexistes qui impose de lutter contre toutes les formes. »

Comment l’université implique-t-elle ses différents acteurs et actrices, étudiant·es, enseignant·es, et personnels, dans la mise en œuvre de ces actions ?

« L’université implique toute sa communauté à travers la formation, la sensibilisation et le réseau des sentinelles égalité. L’emploi d’un langage égalitaire est encouragé afin que toute personne se sente impliquée, des actions communes transversales sont mises en place, comme la distribution de culottes menstruelles lors d’événements comme l’éco-festival. 
Le plan a été élaboré par un large comité de pilotage, avec des réunions organisées sur tous les campus, impliquant ainsi la communauté dans son ensemble. Des événements sont également organisés en f/onction des besoins des campus, et des ateliers de sensibilisation contre les violences sont réalisés pour les étudiant·es. »

4. Perspectives et évolution future

Quel est, selon vous, l’état des lieux de l’égalité dans l’enseignement supérieur, et quelles évolutions attendez-vous pour l’UGE dans les prochaines années ?

« Le contexte actuel dans l’enseignement supérieur est inquiétant, avec une augmentation des comportements sexistes et des inégalités ainsi que de multiples attaques contre les personnes qui défendent l’égalité dans l’enseignement supérieur. Pour remédier à cette situation, il est nécessaire d’allouer des budgets plus conséquents permettant de recruter des personnels dédiés, d’arrêter d’envoyer des signaux contradictoires et d’adopter des positions résolument féministes, anti-racistes et inclusives. 
Bien que l’Université Gustave Eiffel ait déjà lancé plusieurs projets et actions, des indicateurs sont préoccupants comme ceux de l’index égalité liés à des inégalités structurelles de l’enseignement supérieur. Une attention particulière doit être portée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ainsi qu’à la lutte contre les discriminations, avec des moyens humains adaptés. 

Il existe une forte attente de la part de la communauté universitaire, aussi bien parmi les étudiant·es que parmi les personnels. L’égalité est encore loin d’être atteinte, comme le révèlent les données du Haut Conseil à l’Égalité sur le sexisme en France et les statistiques de l’ONDES sur le racisme. Pour progresser, il faut accepter de prendre du temps pour suivre des formations de qualité qui nous transforment. Les changements de culture nécessitent des étapes douloureuses notamment quand il y a sanction, mais nous devons toujours répondre à nos obligations de donner des conditions de travail et d’études saines et sûres, en ayant comme boussole le respect de la loi et l’accompagnement des victimes. »


Publié le 12 mars