Thuy Nguyen, laboratoire ESYCOM (UMR9007 CNRS), Université Gustave Eiffel est lauréate du Prix de thèse 2024 de la Chancellerie des universités de Paris
Découvrez, à travers l'interview de Thuy Nguyen, laboratoire ESYCOM (UGE) et de Gaëlle Lissorgues, Directrice de thèse, Professeure ESIEE PARIS, Chercheur ESYCOM UMR 9007 et Directrice Générale Adjointe ESIEE Paris, la relation unique et fructueuse qui se tisse entre un doctorant et son directeur de recherche.
Questions à Thuy Nguyen, lauréate :
(traduit de l’anglais vers le français)
- Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant d'entamer cette thèse ? Qu'est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans ce projet de recherche ?
« J'ai toujours été passionnée par le domaine de la santé, ce qui explique mon intérêt pour ce sujet de thèse. J'ai d'abord orienté mes études en Chimie Pharmaceutique à l'Université des Sciences de Hanoï. Après mon diplôme, j’ai eu l’opportunité de participer à un projet de transfert technologique entre la France et le Vietnam, ce qui m’a permis de rencontrer le Professeur Bernard Journet de l’Université Paris-Saclay. Il a joué un rôle déterminant dans mon parcours de recherche, notamment en m’introduisant au programme MONABIPHOT, un master en Nano et Bio-photonique moléculaire pour les télécommunications et les biotechnologies. Ce programme m’a permis d’acquérir des compétences solides en électronique, capteurs et technologies moléculaires. Compétences qui m’ont été précieuses tout au long de cette thèse. »
- Quelle est la problématique principale de votre thèse ? Pourquoi avez-vous choisi ce sujet en particulier ?
« Mon projet, intitulé « Phoetus », a été initié en collaboration avec le Dr Édouard Lecarpentier, obstétricien à l'Hôpital intercommunal de Créteil, et la Professeure Gaëlle Lissorgues. Nous avons reçu un financement de la COMUE Université Paris Est pour développer un capteur miniaturisé de pH et de SpO2 destiné à un suivi continu et en temps réel de la santé fœtale pendant le travail. Ce projet vise à remplacer la méthode actuelle qui consiste à analyser des échantillons de sang fœtal. En France, environ 50 000 femmes par an ont besoin de cette mesure du pH. Notre objectif est d’optimiser le suivi de l’état fœtal afin de permettre aux médecins de prendre des décisions éclairées, notamment en ce qui concerne la nécessité d’une césarienne. Ce projet m’a particulièrement motivée car l’aspect humain et la dimension pratique m’ont touchée, d’autant plus que l’accouchement est une expérience souvent douloureuse et risquée pour les femmes. »
- Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez dû faire face durant votre doctorat, tant sur le plan intellectuel que personnel ?
« Nous avons fait face à plusieurs défis techniques, notamment en raison du caractère innovant de notre projet. Aucun des travaux précédents sur ce concept n’avait abouti, principalement à cause des limitations techniques de la miniaturisation et de la microfabrication dans les années 70 et 80. De plus, il s’agit d’une application médicale, ce qui implique des tests in vivo, un défi bien plus complexe que les tests in vitro.
Sur le plan personnel, j'ai parfois ressenti un manque de connaissances approfondies dans certains domaines, ce qui ralentissait ma progression. Mais heureusement, j’ai pu compter sur le soutien de ma directrice de thèse et de mes collègues pour surmonter ces difficultés. »
- À qui s'adresse votre recherche et quel impact espérez-vous qu’elle ait dans le monde académique ou dans la société en général ?
« Cette recherche s’adresse principalement aux mères et aux enfants, afin d’assurer une naissance en bonne santé. Cependant, la mesure du pH est également courante dans d’autres domaines médicaux, comme l’analyse de l’urine, du sang, ou de la sueur. Cela pourrait également être utile pour des soins vétérinaires. Mon objectif est d’apporter une méthode plus fiable pour garantir la sécurité des accouchements, et, à terme, de développer d’autres applications pour la surveillance non invasive de la santé humaine. »
- Comment la collaboration avec votre directrice de thèse a-t-elle influencé votre travail et votre évolution ? Pouvez-vous donner des exemples concrets de son accompagnement ?
« Gaëlle est une personne extrêmement pragmatique qui sait rapidement élaborer des solutions. Je suis souvent désorganisée, mais elle m’a toujours aidée à structurer mon travail et à avancer. Son expertise scientifique et sa capacité à m'orienter vers les bonnes ressources ont été précieuses.
A mon sens, il y a eu certaines difficultés, souvent rencontrées par les étudiant étrangers, comme vivre seul loin de sa famille, ou l’adaptation à la langue et à la société. Gaëlle m’a soutenue sur le plan personnel, notamment pendant des périodes difficiles, comme celle du COVID, et m’a aidée à m’adapter à la vie en France. »
- Quel impact ce prix a-t-il eu sur vous, tant sur le plan personnel que professionnel ? Que représente cette reconnaissance pour vous et pour votre parcours ?
« Cela a été un honneur et une énorme surprise pour moi, car je n'avais jamais imaginé que consacrer ma vie à la recherche m'apporterait une telle reconnaissance. Ce prix me motive énormément à m'investir encore plus dans mon domaine, car il témoigne de la reconnaissance de mes recherches par mes collègues."
- Quel est selon vous le secret d’une relation fructueuse entre une doctorante et sa directrice de thèse ? Comment décririez-vous la collaboration dans votre cas ?
« La clé, selon moi, est l’honnêteté et la communication. Il faut être ouvert, à la fois envers soi-même et envers son directeur de thèse. L’engagement et la volonté d’apprendre sont aussi essentiels. En science, nous travaillons tous pour un objectif plus grand que nous. »
Questions à Gaëlle Lissorgue directrice de thèse
- Qu’est-ce qui vous a convaincue de superviser cette thèse ? Qu'avez-vous trouvé d'intéressant dans le projet de recherche de votre doctorante ?
« Le projet de thèse a été conçu en collaboration avec le Dr. Édouard Lecarpentier (obstétricien, Hôpital intercommunal de Créteil), nous avons ensuite commencé les recherches de candidats. Le CV de Thuy m'a particulièrement interpellée, notamment en raison de son parcours pluridisciplinaire. Elle avait des compétences complémentaires qui s'avéraient très utiles pour la thèse. Par ailleurs, elle a obtenu un master en Nano et Bio-photonique moléculaire pour les télécommunications et les biotechnologies, diplôme réputé pour sa difficulté, ce qui témoignait par ailleurs de son très bon niveau académique. »
- Comment définiriez-vous votre rôle en tant que directrice de thèse ? Quelles sont les valeurs et les compétences que vous essayez de transmettre à vos doctorants ?
« En tant que directrice de thèse, mon rôle est d'apporter un accompagnement souple, afin de laisser une certaine liberté à mes doctorants, car il s’agit de leur sujet de recherche avant tout. Je considère qu'il est important de rester ouvert à leurs propositions et à l’évolution de leurs idées. Toutefois, ce qui est essentiel pour moi, c’est l’honnêteté scientifique. Le fait d’être transparent quant aux résultats obtenus. En cas de difficulté ou de résultats inattendus, il est crucial de continuer à se poser des questions et à chercher des solutions, tout en respectant le délai imposé, qui est généralement de trois ans. Il est également important d’apprendre à faire des choix, afin de prioriser les actions et à avancer de manière pragmatique sur le projet. »
- En tant que directrice de thèse, comment ressentez-vous cette distinction ? Qu’est-ce que cela représente pour vous en termes de reconnaissance du travail accompli ?
« Évidemment, cette distinction me fait très plaisir. Pour la petite histoire, c’est Thuy qui m’a transféré le premier mail, elle voulait être sûre qu’elle avait bien compris ce qui était écrit dans le message. Ce prix représente une reconnaissance pour les résultats obtenus. Je considère que c'est avant tout un travail d’équipe. C’est également une reconnaissance de l’environnement de recherche dans lequel nous évoluons. Pour Thuy, cette distinction est un excellent tremplin pour la poursuite de sa carrière. »
- Comment l’Université Gustave Eiffel a-t-elle soutenu cette thèse et quel rôle a joué l'institution dans la réussite de ce projet ?
« L’université a soutenu la doctorante en tant que salariée pendant trois ans, offrant ainsi un soutien financier essentiel. La thèse a été réalisée au sein du laboratoire ESYCOM, un laboratoire de recherche affilié à l’Université Gustave Eiffel, ce qui a permis à la doctorante de bénéficier d’un environnement de recherche propice à l’avancement de son projet. »
- Comment pensez-vous que les recherches menées dans le cadre des thèses peuvent répondre à des enjeux sociétaux contemporains ?
« Les recherches menées dans le cadre des thèses peuvent jouer un rôle crucial en répondant à des enjeux sociétaux contemporains, notamment en contribuant à l'innovation dans des domaines comme la santé. Cette thèse, par exemple, constitue le point de départ d'une étude visant à développer un dispositif médical. À terme, l'objectif est de parvenir à une phase de maturation permettant de réaliser des essais cliniques, afin que ce dispositif puisse être mis concrètement sur le marché. Il s'agit de la première pierre d'un projet ambitieux, destiné à améliorer le suivi des patients hospitalisés en soins intensifs et en réanimation. »
- Quels conseils donneriez-vous à vos collègues qui supervisent des thèses ?
« Selon moi, pour que la thèse se passe bien, en tant que directrice de thèse, il est essentiel d’être convaincue du sujet, du fait qu’il ait du sens et qu’il soit scientifiquement intéressant. Il faut également y trouver un intérêt au-delà de l’aspect scientifique pur. Nous devons tout simplement être convaincus et motivés par le sujet que nous supervisons.
De plus, il est important de bien évaluer le profil du doctorant lors du recrutement, afin d’adapter le sujet de la thèse à ses compétences et à ses aspirations. La recherche étant un domaine dynamique, il ne faut pas hésiter à réorienter le projet ou à s’adapter aux besoins de la personne avec laquelle on travaille.
Enfin, il est crucial de rester à l’écoute de nos doctorants. Nous sommes là pour les former en tant que futurs chercheurs ou enseignants-chercheurs, et cela nécessite d’être passionnés par notre rôle de mentor. »