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L’université partenaire des centres pénitentiaires d’Île-de-France

Depuis plus de dix ans, l’Université Gustave Eiffel est un acteur de l’enseignement dans les prisons franciliennes. L’établissement organise des cours pour obtenir le Diplôme d'accès aux études universitaires (DAEU) ou une licence de Sciences humaines et sociales. Les précisions de Karine Marot, vice-présidente Vie étudiante, et Matthieu Delage, responsable du DAEU à destination des étudiant·e·s empêché·e·s et maître de conférences en géographie.

« Ils sont motivés, curieux, cultivés et travailleurs. » Karine Marot évoque ici les étudiants empêchés ou, autrement dit, les étudiants en détention.

L’enseignante en géographie et vice-présidente Vie étudiante est également la référente de ces étudiants pas comme les autres. L’Université Gustave Eiffel intervient dans huit des onze centres pénitentiaires d’Île-de-France : Fleury-Mérogis, Meaux, Villepinte, Nanterre, Bois d’Arcy, Versailles, Réau et Melun.

Elle y dispense deux diplômes : le Diplôme d'accès aux études universitaires (DAEU), équivalent du BAC permettant l’accès aux études supérieures, dans les huit prisons ; et la licence de Sciences humaines et sociales (histoire, géographie, sociologie) uniquement à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis.

« Ce partenariat avec les prisons franciliennes existe depuis plus de dix ans  et repose sur un engagement fort de l’université avec notamment la gratuité des frais d’inscription pour les étudiants emprisonnés : c’est essentiel pour leur donner envie d’apprendre. »

Matthieu Delage

Maître de conférences en géographie et responsable du DAEU à destination des étudiant·e·s empêché·e·s

Pour intervenir en prison, l’université a signé une convention de partenariat avec une unité pédagogique régional (UPR).

« Dirigée par un proviseur, l’UPR est en charge des unités locales d’enseignement (ULE). Présentes dans chaque prison, les ULE animent et coordonnent les activités d’enseignement à destination des détenus » explique Matthieu Delage. « Nous avions également une collaboration avec le Conseil régional qui finançait une partie de la formation, ce qui nous a permis de lancer le projet en 2013 » complète Karine Marot.

 

Le DAEU : un premier pied dans les études

En 2019, plus de 120 détenus étaient inscrit au DAEU et une quarantaine ont obtenu leur diplôme.

« Nous sommes loin de toucher toute la population carcérale : ce n’est qu’une part très faible des détenus. De plus, le COVID est passé par là et, en 2022, ils n’étaient plus que 60 inscrits et 20 admis. »  Le DAEU délivré par l’université est un DAEU A ou littéraire. Il s’articule autour de quatre modules : deux obligatoires, le français et une langue vivante (anglais ou espagnol) ; et deux modules optionnels (histoire, géographie, philosophie, mathématiques, économie-gestion…).

Le diplôme en prison est mis en œuvre, en présentiel, par des enseignants du secondaire – titulaires ou vacataires - qui interviennent à raison de deux matinées par semaine. L’université se charge du secrétariat, de la coordination des enseignements, de la réalisation des programmes - en concertation avec les enseignants - et de l’organisation des examens et de la correction des copies.

« Le DAEU est un diplôme qui leur redonne le goût d’apprendre, de l’étude et de la connaissance. Il permet aussi de constituer un vivier de personnes pour nos licences, assure Matthieu Delage. L’un des objectifs du DAEU est d’assurer un continuum d’études entre le secondaire et le supérieur. Ça peut prendre du temps mais ça fonctionne. »

En cas de sortie de prison, les étudiants ne sont pas abandonnés : ils ont la possibilité de poursuivre les cours et/ou de passer leurs examens sur le campus de Marne-la-Vallée. Ensuite, comme les autres titulaires du DAEU, les anciens détenus peuvent poursuivre leurs études à l’Université Gustave Eiffel ou ailleurs.

« Aujourd’hui, nous avons deux anciens étudiants empêchés en DAEU qui sont en L1 sur le campus de Marne » indique Karine Marot.

 

S'adapter à des étudiants et à un univers pas comme les autres

S’ils restent incarcérés, les étudiants peuvent continuer avec un diplôme à distance du CNAM par exemple. À Fleury-Mérogis, ils peuvent également débuter, en présentiel, une licence de Sciences humaines et sociales. « Cette année, nous avons neuf étudiants qui suivent des cours de L1 à la maison d’arrêt. Comme le COVID a entrainé la fermeture des prisons en 2020-2021 et en partie en 2022, nous n’avons plus de L2 ni de L3. »

Les cours sont dispensés par une quinzaine d’enseignants de l’université « volontaires et motivés ». « Il faut l’être car cela demande beaucoup de travail et d’investissement : il faut imprimer tous les supports pédagogiques, se lever tôt pour arriver à l’heure, supporter l’ambiance carcérale, se passer d’internet… » détaille Karine Marot. « Il faut s’adapter en permanence : parfois les étudiants sont en cours et parfois ils sont avec leur avocat ou leur famille. La poursuite d’études en cours d’année est compliquée donc 75% de la note c’est du contrôle terminal » souligne Matthieu Delage.