Aller au contenu principal

Le physicien Philippe Coussot lauréat d’une bourse ERC

Chercheur au laboratoire Navier de l’Université Gustave Eiffel, Philippe Coussot vient de remporter une bourse décernée par le Conseil européen de la recherche (ERC). Grâce à une approche novatrice, il entend mieux comprendre le comportement hygrothermique des matériaux biosourcés utilisés dans la construction.

Membre du laboratoire Navier depuis 1996, Philippe Coussot a acquis une renommée internationale pour ses travaux en rhéophysique, discipline d’analyse du comportement des fluides complexes. Son succès dans le cadre de l’appel à propositions très sélectif du Conseil européen de la recherche vient couronner une évolution vers le domaine des milieux poreux, amorcée il y a dix ans.

 
Un enjeu climatique

D’un montant de  2,5 millions d’euros, la bourse ERC « Advanced » obtenue par Philippe Coussot doit lui permettre de développer dans les cinq années à venir des recherches sur les matériaux biosourcés utilisés comme murs ou isolants pour la construction.

« Si leur usage est encore minoritaire, les panneaux et éléments végétaux à base de fibres de coton, de lin, de bambou, blé, ou encore de chanvre sont intéressants car ils absorbent du CO2 durant leur pousse. De plus, les émissions de gaz à effet de serre lors de la phase de fabrication de ces matériaux sont considérablement réduites par rapport à des matériaux à base de ciment, explique Philippe Coussot. Une fois en place, ils sont également réputés pour leurs performances hygrothermiques. »

 

Dans la lutte contre le changement climatique, les enjeux propres au secteur du bâtiment sont de taille : à l’échelle mondiale, celui-ci est à l’origine de près de 40 % des émissions de CO2 et l’Union européenne s’est fixée comme objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

 

Un comportement encore mal compris

Certaines qualités des matériaux biosourcés sont connues mais leur comportement hygrothermique, c’est-à-dire au sein d’un environnement dans lequel la température et le taux d’humidité relative varient, est encore mal appréhendé.

« Nous savons que ces matériaux sont performants pour la régulation de l’humidité, importante pour la santé humaine et la performance énergétique de l’habitat, détaille le chercheur. En deçà d’un taux de 40 % d’humidité et au-dessus de 60 %, les habitants sont en situation d’inconfort, et la demande en ventilation ou chauffage augmente. Or, un matériau biosourcé contribue à la maîtrise de l’humidité car il peut absorber jusqu’à 25 % de sa masse sèche en eau. La réserve ainsi stockée dans sa structure solide, formant des inclusions liquides nanométriques dans la cellulose, est appelée "eau liée". Lorsque la quantité de vapeur dans l’air diminue, le matériau libère de l’humidité. À l’inverse, quand elle augmente, il en absorbe, réduisant ainsi l’humidité ambiante. »

 

Ce phénomène donne lieu à un échange de chaleur très élevé : « Pour transformer de l’eau liquide en vapeur, il faut beaucoup plus d’énergie que pour transformer de la glace en liquide, remarque Philippe Coussot. Mais à l’heure actuelle, les approches empiriques ou les modélisations ne nous permettent pas vraiment de décrire ce qu’il se passe, ni de prédire et contrôler le comportement des matériaux dans toutes les conditions d’utilisation possibles. »

La récompense d’une approche unique au monde

C’est une démarche inédite : afin de détecter l’eau liée pour mieux modéliser le comportement des matériaux, Philippe Coussot va « ouvrir cette boîte noire » en recourant aux technologies de résonance magnétique nucléaire (RMN et IRM) utilisées dans le monde médical.

Le physicien a été chargé de la mise en place de ces outils à son arrivée au laboratoire Navier. « À l’époque l’idée était originale, car les centres qui utilisaient la RMN pour des applications autres que médicales étaient peu répandus. Et la situation de notre plate-forme RMN/IRM intégrée à un laboratoire de mécanique des matériaux reste aujourd’hui unique au monde. »

Pour Philippe Coussot, la bourse de l’ERC « concrétise 20 ans de montée en compétences du laboratoire Navier dans l’utilisation de la RMN. Ce financement ouvre la voie au développement d’une thématique de recherche pérenne au sein du laboratoire, s’appuyant sur des compétences spécifiques très avancées. »

À terme, ces recherches pourraient avoir des retombées prometteuses pour le contrôle de la performance énergétique des bâtiments et la réduction des émissions de carbone, notamment en contribuant à la formulation de recommandations plus précises dans les normes de construction avec des matériaux biosourcés.

En cela elles s’inscrivent dans l’ambition scientifique de l’Université Gustave Eiffel : inventer les villes de demain.